Toc, Toc, Toc… C’est les Toqué Frères !

Art & Culture

170 ans, ça se fête ! Pour l’occasion, Le Bon Marché Rive Gauche met les petits plats dans les grands et invite les Toqué Frères à prendre possession des lieux. Des couleurs pop et acidulées, un labyrinthe historique XXL, des messages positifs et récréatifs, un regard décalé : le duo d’artistes appose son empreinte joyeuse dans tout le magasin et revisite avec humour les codes emblématiques de la Maison. Une collaboration, à la bonne humeur contagieuse, qui a aussi donné lieu à la création d’une capsule exclusive de produits dédiés, tous plus toqués les uns que les autres.

Rencontre avec Félix et Marin Toqué, qui nous dévoilent les coulisses de cette collaboration créative et festive.

Elle n’est pas belle la vie ?

© Le Bon Marché Rive Gauche

La Gazette : Comment s’est passée votre rencontre avec Le Bon Marché ? Quels sont vos points communs ?

Marin Toqué : Le Bon Marché avait repéré notre travail dans la rue et nous avions déjà travaillé ensemble sur des projets de plus petite taille. Je crois que nous avons en commun la volonté d’apporter du beau dans la ville ainsi qu’un amour profond pour Paris.

Des jeux de mots ludiques, des images qui font sourire, mêlés à une esthétique d’antan : votre art se distingue par l’énergie positive qui s’en dégage. Pourquoi avoir choisi de vous exprimer selon cet état d’esprit ?

Félix Toqué : En 2006, lorsque j’étais au Liban, je logeais chez une dame avec un esprit très positif qui m’a dit cette phrase : « Je sais que le mal existe mais je n’y prête pas attention ». Si cela peut sembler anodin, c’est une façon de voir les choses qui nous inspire beaucoup.

Marin : Comme tout le monde, nous sommes parfois découragés ou révoltés. À contre-courant de la culture du graffiti dénonciateur, nous avons préféré nous concentrer sur le positif. Pour nous, écrire « La vie est belle » dans la rue est une forme de rébellion, même si nous sommes conscients que tant de choses vont mal. Quand nous peignons le mot « confiance », ça n’est jamais sans raison. Il est important que les gens retrouvent confiance en eux-mêmes et en les autres, c’est comme cela que les choses avancent.

© Les Toqué Frères pour Le Bon Marché Rive Gauche

Vos œuvres s’invitent principalement dans le paysage urbain, quel est votre processus créatif ?

Marin : Notre art est très spontané. Avant de commencer une œuvre, nous partons rarement avec une idée précise en tête. Nous nous laissons inspirer par le décor et le moment. Nous pouvons aussi demander aux gens que nous croisons s’ils ont une phrase qu’ils aiment. Pour les peintures figuratives, nous arrivons avec des livres de photos ou d’illustrations dans lesquels nous piochons des images qui correspondent à notre humeur du moment.

Félix : J’ai d’ailleurs une anecdote à ce sujet. Nous étions à Paris à la recherche de notre prochain lieu où graffer. Nous arrivons à Montmartre, rue André-del-Sarte, qui porte ce nom en hommage au peintre italien, Andrea del Sarto. Sans réfléchir, nous avons changé l’inscription de la plaque et ajouté un « O » à la fin du nom. Nous voulions aussi peindre son portrait, mais nous n’avions ni matériel, ni échelle à disposition. Nous nous sommes fait aider par les gens et commerçants du quartier, qui d’une certaine façon ont participé à l’œuvre.

© Les Toqué Frères

« Pour nous, écrire « La vie est belle » dans la rue est une forme de rébellion »

Les Toqué Frères

Vous travaillez entre frères, qui fait quoi chez les Toqué ?

Félix : Marin est un doux rêveur et je suis plus terre à terre. Quand on peint ensemble, il n’y a pas de rôle défini… Nous partageons le même sens esthétique et nous nous faisons confiance. Nous aimons aussi peindre à quatre mains car comme chacun apporte son grain de sel, cela nous permet de rebondir sur ce que propose l’autre et de se laisser surprendre.

Marin : Nous avons appris à peindre ensemble à même les murs de la ville. Le fait de peindre de manière gratuite nous a permis de nous sentir très libre, d’essayer, de tâtonner… Être à deux nous a aidé à nous stimuler et nous encourager.

© Le Bon Marché Rive Gauche

Quelles réactions cherchez-vous à provoquer chez les passants ?

Marin : L’espace public est saturé d’informations, les passants sont sollicités en permanence. Nous avons à cœur de produire des pubs « gratuites » inspirées du ton désuet des réclames des années 50 pour « vendre » la lenteur, la joie, l’amour. Le défi est de décrocher un sourire ou de mettre un peu de baume au cœur avec des messages positifs, un peu naïfs mais universels.

Qu’avez-vous eu envie de raconter sur Le Bon Marché ?

Marin : Nous avons voulu mettre en avant l’esprit de fête associé à ce 170ème anniversaire avec des éléments graphiques colorés et des phrases joyeuses. Ces affiches et jeux de mots se retrouvant partout dans Le Bon Marché, cela donne l’impression aux clients d’assister à un immense goûter d’anniversaire.

© Les Toqué Frères

« Le défi est de décrocher un sourire ou de mettre un peu de baume au cœur avec des messages positifs, un peu naïfs mais universels »

Les Toqué Frères

Vous avez également cocréé des produits dédiés qui reprennent vos mantras et votre esthétique. Comment avez-vous imaginé cette collection ?

Marin : Ce qui me plaît dans le graffiti, c’est de me dire qu’un passant va tomber dessus par hasard. La collection de produits dédiés est un prolongement de cette approche. En collaboration avec Le Bon Marché, nous avons imaginé une ligne de t-shirts, des sacs ou encore des parapluies, des objets quotidiens que vous pouvez trouver au détour d’un trottoir ou au hasard d’une rencontre.

Qu’avez-vous appris sur l’histoire du grand magasin que vous ne saviez pas ?

Félix : L’incroyable histoire de la famille Boucicaut, fondatrice du Bon Marché Rive Gauche. Avant tout le monde, elle a ouvert la porte du progrès social avec la mise à disposition de chambres pour ses employés ou le paiement des jours d’arrêts maladie quand la Sécurité sociale n’existait pas encore.

Justement, qu’aimeriez-vous souhaiter au Bon Marché pour son anniversaire ?

Felix : Je lui souhaite de continuer à accueillir des artistes de tous les horizons. Je dois dire merci aux équipes du Bon Marché pour cette ouverture d’esprit. C’est un endroit où chacun a sa place.

Marin : Nous aimons beaucoup les chiffres ronds, nous donc aimerions que Le Bon Marché nous convie de nouveau pour l’anniversaire des 200 ans ! Je lui souhaite donc de nous réinviter !